Le pavillon de thé et son jardin (B3)

Clermont (à l'heure du coq / 17 décembre 1455)
Au travail!

Matabei était de passage au pavillon. Même s'il n'y habitait plus, il y passait de temps à autre pour éviter de déranger celle qu'il aimait. A son programme figuraient deux types d'activités.

La première allait lui prendre plusieurs journées, peut-être même des semaines, alors il commença tout de suite. Tout d'abord, il fallait qu'il aménage la forge située dans la forêt pas très loin de chez lui. Après de longues heures passées à bucheronner, élaguer, scier ... cela prenait forme et finissait par ressembler à un véritable atelier. C'est à cet endroit qu'il préparerait dans les jours à venir toutes les planches, charnières et chevilles dont il aurait besoin pour ce qu'il comptait faire. Il avait du chêne et du cerisier à profusion. Son ami charpentier de Bertincourt avait eu la gentillesse de lui offrir un magnifique lot d'outils qu'il n'utilisait plus. Tout était pour le mieux et se mettait en place.

Après un bon bain dans la rivière, tout de même un peu froide en cette saison, et un passage aux thermes pour se relaxer et faire quelques observations, Matabei décida de se consacrer à la seconde activité. Bien sûr, il n'avait aucune chance d'atteindre la perfection des créations de sa soeur, mais il l'avait suffisamment observée pour décider de se lancer à son tour. Il s'installa dans la chambre et prépara tous les ustensiles dont il pourrait avoir besoin.

Un essai d'ikebana

Kakita Komachi, la soeur de Matabei, lui avait souvent fait la leçon: "L'ikebana est un art qui naît du respect envers la nature. Beaucoup réduisent cet art à un simple arrangement floral, occultant toute la subtilité, la richesse et la profondeur de cette discipline. L'élaboration d’une composition renforce notre lien avec le monde; cela nous offre un formidable moyen d’expression et nous ouvre l’esprit."

Il se souvint avec émotion de la manière dont Komachi-chan avait triomphé lors des épreuves finales de l'académie. Elle venait tout juste de passer son gempukku. Son discours avait été le suivant:

"Comme beaucoup de choses dans notre langue, le mot ikebana a trois significations – un peu comme le kanji 'Ai' avait-elle rajouté comme pour narguer son frère –: bana ou hana (hanae) signifie fleur ou plante, tandis que ike se retrouve dans trois verbes – ikeru, ikiru et ikasu – soit respectivement 'placer des plantes', 'vivre' et enfin 'rendre la vie plus claire'. Alors qu'un bouquet dit, 'regardez-moi!' ou 'voyez comme je suis beau', un ikebana dit 'partagez un moment avec moi' ou 'qu’en pensez vous?'. Il faut attacher autant d’importance au développement de la bonté de l’âme qu’à l’épanouissement de l'esprit. 'Hana-no-kokoro', le cœur de la fleur c’est ce que j’entends faire."

C'est alors que le sensei a interrompu la démonstration de Komachi pour lui demander tout simplement de venir s'asseoir à sa droite.

Imprégné de ce souvenir, il commença donc. Avant tout, il choisit et prépara les végétaux en prenant bien soin de les couper sous l’eau et de les immerger dans un seau. Il se concentra également un long moment sur le choix du vase. Il avait en tête un arrangement nageire, composé de végétaux dressés, déposés dans un vase droit au col assez large.

Il se rappela également la règle "la liberté naît des contraintes". Sa sœur avait beau être sa cadette, elle avait déjà découvert une vérité essentielle. Elle indiquait par là que l’apprentissage des techniques est indispensable pour intégrer les notions d’équilibre, de forme et surtout d’espace. Ces règles définissent un cadre qui permet, par la suite, de se concentrer sur la seule expression artistique. Une fois assimilées, elles restent acquises à jamais, laissant toute liberté au créateur. "Le cœur de la fleur, Matabei-kun, que feras-tu face au cœur de la fleur" ne cessait-elle de lui dire en riant tout en réduisant à néant ses tentatives de créations en prenant les branches pour les remettre dans le seau.

Pour autant qu'il s'en rappelle, les règles n'étaient pas si nombreuses. Il fallait savoir positionner et couper les branches, ce qu'il entreprit de faire avec la plus extrême des précautions. Il y avait d’abord "shû", le maître, la plus longue branche du bouquet. Sa taille dépendait du vase et définissait tout le reste. Ici c’était une jeune branche d’un arbuste issue d'un arbuste qui se trouvait sous la fenêtre de la chambre d'Asphodele, élancée et fière, une fleur blanche en marquant la force. "Shû" était accompagné de "kyaku", l’invité. Autre point de l’arrangement, il a pour but d'assurer la cohésion et de souligner la beauté du principal. Pour répondre à cette invitation, il avait pris une plante-fleur aux reflets rouges, marque de timidité ou de tendresse. A ses côtés, juste au dessus, se trouvait le "fuku", qui traduit le lien entre le maître et l’invité. Il s’agissait là d’une herbe aux mille feux, ouverte sur le monde et épanouie. Pour finir, il prit du recul, observa et plaça finalement quelques éléments de décor pour renforcer la composition. Il avait bien entendu laissé la place pour les papillons et les oiseaux.

L'ikebana était prêt désormais. Il pouvait maintenant le déposer à l'endroit où il devait être.

[Pour savoir où, c'est là:]
https://clermont-champagne.niceboard.com/habitations-f9/le-jardin-dasph-t211-15.htm#8115

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Clermont (à l'heure du coq / 6 janvier 1456)
Chapitre 3: Le voyage immobile

Matabei était dans son atelier, pas très loin du pavillon, en train de confectionner des tatami. Un travail assez ennuyeux, qui nécessitait une attention soutenue. Il ne faut donc guère s'étonné s'il n'entendit pas la dame kitsune s'approcher. Elle l'observa sans dire mot pendant de longues minutes avant de se décider de l'interrompre.

"Bonjour Matabei", fit-elle d'un voix douce ou pointait un curieux chuintement, "quel bel ouvrage que voilà. J'aimerai bien avoir les mêmes dans ma tanière". Sur ces mots, elle s'avança pour, d'une patte délicate, toucher le panneau de paille compressée observant avec attention la couleur de la bordure. "6 shaku et 3 sun de long à la mode Doji", jugea-t-elle d'un regard appréciateur avant de reprendre.

"Matabei, je suis venu vous dire que vous pourrez traverser le trou de l'aiguille quand vous le souhaiterez, le passage vous est ouvert à tous les deux". "Le trou de l'aiguille", répondit Matabei l'air interrogateur, "mais, de quoi s'agit-il?"

"Voyons Matabei, vous ne connaissez pas cette légende." Le renard se redressa pour mieux s'asseoir. En le regardant attentivement, on aurait pu jurer qu'il souriait. "Dans l'ombre de Kyuden Doji, se trouve une petite forêt. Quand il était enfant Hantei XXIII disparut et passa une nuit dans ces bois. La garde Seppun était terrorisée à l'idée que quelque chose de terrible ait pu arriver à l'héritier impérial, mais il fut retrouvé le lendemain sain et sauf. Le jeune Hantei raconta qu'il avait passé la nuit avec un renard argenté qui lui avait apporté des mures et des framboises et qui lui avait chanté des chansons pour lui tenir compagnie. Personne ne le crut parce qu'il était un enfant, mais personne ne lui dit parce qu'il était un Hantei. Sa première décision en tant qu'empereur fut de sanctifier ces bois et, depuis, votre clan a toujours su honorer cette proclamation en respectant ces bois et la nature. C'est pour cela que, nous autres, nous vous aimons bien et vous rendons service de temps à autre."

"Tout près de l'autel se trouve un autre passage vers Chikushudo, notre demeure. Vous n'aurez qu'à vous y endormir. Je viendrai vous chercher et vous vous réveillerez de l'autre côté. Vous verrez c'est une expérience amusante. Votre amie qui parle au vent sera là pour vous accueillir."

Matabei écouta ces instructions et s'inclina très bas en signe de remerciement.

Ils ne tardèrent pas à atteindre l'autel. La lune était haute et claire, les fourrés bruissaient du bruit de la nuit. Devant l'autel, se tenait une magnifique dame et non sous sa forme de renard (kitsune). C'était la première fois qu'il la voyait sous cette forme. La reconnaître était chose aisée, il suffisait de croiser son regard. Elle était habillée de la même façon qu'Asphodele-chan, même si les couleurs étaient distinctes. Elle s'approcha d'elle pour la saluer et d'un geste gracieux lui plaça dans les cheveux une fleur qu'elle avait prise dans les siens.




"Bonsoir, ma dame. Je suis ravie de faire votre connaissance et vous remets ceci en gage d'amitié. Aussi longtemps que vous respecterez la nature et les kami, je serai heureuse d'être à vos côtés".

Elle cru que c'était la soeur de Matabei-kun. Elle était impressionnée par la prestance de cette dame.
Elle accepta le présent en souriant. Elle ne savait comment réagir. Il ne lui avait pas appris encore toutes les coutumes.

- Bonjour, ma dame. Je vous remercie pour votre gratitude et j'en suis honorée. Je serai ravie de cheminer à vos côtés.

La dame Kitsune hésita un instant. Elle était amusée par cette petite trace de confusion qu'elle avait pu voir dans le regard d'Asphodele. Peut-être même qu'elle s'en était sentie flattée?

Elle leur expliqua à l'un et à l'autre ce qu'elle allait faire. Sa voix avait toujours ce drole de chuintement amical. Elle les accompagna dans sa tannière et les y laissa s'endormir. Le moment était venu pour eux de traverser le passage vers le trou de l'aiguille. Elle les prit par la main et les guida de l'autre côté. Elle les y laissa pour qu'ils puissent s'y réveiller, comme ils se réveilleraient demain à Clermont.

En parlant de réveil, celui-ci ne tarda pas même si le soleil avait déjà bien amorcé sa course. Le vent frais qui traversait l'endroit où ils se trouvaient agitait quelques clochettes qui carillonaient doucement. Devant eux se tenait Beniha qui était venue les accueillir.

D'un geste ample de la main, elle salua leur arrivée.



Après avoir salué, Matabei elle se tourna vers Asphodele:

"Tora-san, au nom de notre clan et de la famille Asahina, je suis très honorée de vous accueillir dans notre modeste temple. J'espère que nous serons à même de vous faire apprécier notre frugale hospitalité ainsi que nos coutumes. Ceci n'est pas grand chose, mais je me suis permise de vous apporter une petite collation pour que vous puissiez vous remettre de votre voyage. S'il vous plait, considérez-vous comme notre invitée"

Matabei eut du mal à réprimer un sourire en entendant Beniha appeler Aspho-chan, Tora-san, dame Tigre, elle avait du passer un temps fou à savoir comment il convenait de s'adresser à elle de manière protocolaire. Ah ces courtiers ...

Citation :

"Tora-san, au nom de notre clan et de la famille Asahina, je suis très honorée de vous accueillir dans notre modeste temple. J'espère que nous serons à même de vous faire apprécier notre frugale hospitalité ainsi que nos coutumes. Ceci n'est pas grand chose, mais je me suis permise de vous apporter une petite collation pour que vous puissiez vous remettre de votre voyage. S'il vous plait, considérez-vous comme notre invitée"

Asphodele était troublée, perdue. Elle ne reconnaissait rien. Des mots résonnaient dans sa tête : "notre clan" , "famille Asahina", "toro-san"...

Elle n'avait plus l'habitude. Elle n'a jamai eu l'habitude à tant de gentillesse, de protocole. Elle avait toujours respecté Matabei-kun, sa vie, son histoire, ses coutûmes. Elle aimait le regarder faire. Elle avait toujours été désireuse de partager toute son éducation, ses traditions avec lui. Mais jamais elle n'eut pensé le vivre un jour.

Elle ne cessait d'aller d'étonnement en étonnement. Elle se sentait honnorée qu'il lui fasse partager tout ca. Mais le tourbillon des émotions lui donnait des vertiges. Celà l'effrayait autant que l'attirait.

Elle ne savait que répondre à Beniha. La seule chose qu'elle était capable de faire était un sourire.

Matabei avait vu le mouvement de recul d'Asphodele. Même si la fleur qu'elle avait dans ses cheveux lui permettait de comprendre ce que Beniha disait, celle-ci était restait beaucoup trop formelle dans sa manière de présenter les choses. D'un discret signe de la main, il lui demanda si elle pouvait les laisser seuls, ce que Beniha s'empressa de faire en souriant à Asphodele.

Quand elle fut partie, le shoji - ce panneau de bois et de papier qui servait de porte coulissante - remis en place, Matabei se tourna vers Aspho-chan et lui prit tendrement la main.

"Mon amour", lui dit-il, "ici aussi je suis un étranger. Le choc est rude de retrouver tout cela, cette quiétude policée, cette tranquillité ordonnée.

Les Asahina forment l'une de nos familles, tout comme les Kakita en sont une autres. Si les Kakita sont des artisans, les Asahina sont des prêtres dévoués au kami et profondément pacifistes. Beniha fait figure d'exception. Elle aurait fait une excellente nonne, mais elle a quitté le couvent très jeune. Elle trouvait cela trop ennuyeux. C'est désormais l'un de nos meilleurs courtiers. C'est elle qui représente le clan des Grues aux jeunes royaumes et elle a l'oreille de notre champion, Doji Domotai-sama. Mais nous ne sommes pas ici pour discuter du protocole."

Sur ces paroles, il prit la théière que Beniha avait déposée sur la table et remplit deux tasses aux reflets bleutés. Il proposa l'une des tasses à Asphodele et prit l'autre des deux mains, l'une en dessous, l'autre de côté. Il tourna la tasse pour qu'elle se présente correctement devant ses lèvres et attendit un peu respirant cette odeur délicieuse qui lui avait tellement manqué.

"Nous sommes ici pour visiter un endroit merveilleux, toi et moi. Nous y irons quand tu seras prête. En attendant, mon amour, laisse toi aller à goûter ce délicieux nectar. Un thé aux jasmins des collines de la douce lumière."

C’est amusant en regardant Aspho-chan, Matabei repensait à un moment de sa vie. Un soir, la glorieuse et divine impératrice lui avait demandé d’escorter un ambassadeur qui venait d’arriver dans la Capitale. Quand il était rentré dans sa chambre pour se présenter, il l’avait trouvé assis sur son lit habillé d’un yukata, les yeux hagards perdus dans ses pensées, comme s’il était déphasé par rapport à ce qui l’environnait.

"La poésie est ce qui se perd dans la traduction", avait-il dit après un long moment (dans sa langue cela donnait "Poetry is what gets lost in translation"). Matabei ressentait souvent la même chose quand il était à Clermont. Il espérait que sa présence aux côtés d’Asphodele lui faciliterait cette traduction.

Il ne souhaitait pas aller trop vite. Ils se trouvaient au sein de l’un des lieux les plus magnifiques de son pays. A Miyajima, sur les bords de la mer intérieure. De nombreux temples et sanctuaires avaient été construits sur cette île. La plus fameuse de ces constructions était le sanctuaire d’Itsukushima, qui se tenait au pied du mont Misen dans une petite baie tranquille et préservée.

Pour y arriver, ils suivirent le chemin qui longeait la plage. Il n’y avait personne. Ils étaient seuls et au détour d’un coude, ils purent enfin découvrir le sanctuaire qui avançait sur pilotis dans la mer et le torii, cette grande porte offerte aux kamis qui se trouvait devant. La marée était haute et ils eurent l’impression que la porte flottait sur l’eau.



La visite ne faisait que commencer.

Le torii marquait l’entrée du sanctuaire. C’était certainement l’un des plus beaux de tout l’empire. Un petit promontoire permettait aux barques de s’y arrêter et de déposer les pèlerins. Itsukushima-Jinja était dédié à Benten, l'une des sept divinités majeures, celle qui incarnait les arts, l’amour et la musique. Elle avait diverses formes, mais elle était toujours représentée en train de jouer du biwa, une sorte de luth à quatre cordes.

Pour le moment, il n’y avait personne à part un ou deux chats et une poignée de prêtres. Asphodele et Matabei visitèrent le temple en marchant sur les planches de bois. Les lattes du plancher dessinaient une ligne de fuite imaginaire qui traversait le torii en son centre exact. Une lanterne de pierre était placée là, à côté d’eux, légèrement désaxée comme pour ne pas rompre l’harmonie.



Quand ils ressortirent, la marée était basse. Un prêtre s’était avancée jusqu’au torii pour rendre hommage à l’autre monde. Il se tenait devant l’entrée récitant ses prières droit comme un "i", frappant de temps à autre des mains et s’inclinant à la fin de chaque phrase. Cette vision était magnifique.



Ce soir une représentation de théâtre Nô devait être donnée et le prêtre souhaitait que ce soit une réussite. Asphodele et Matabei examinèrent l’affiche qui se trouvait à proximité du théâtre à destination des futurs spectateurs.



Il lui traduisit le contenu de l’affiche. Il s’agissait d’une pièce attribuée à Doji Zeami qui racontait les exploits d’une belle guerrière dénommée Tomoe. La coïncidence était troublante. D’après le Heike Monogatari: "Tomoe était remarquablement belle, avec la peau blanche, les cheveux longs et des traits charmants. Elle était aussi un archer émérite et, en tant que femme d’épée, c’était un guerrier qui en valait mille, toujours prête à affronter un démon ou un dieu, que ce soit à cheval ou à pied. Elle pouvait maîtriser le plus imprévisible de chevaux sauvages avec une adresse sans pareil et chevaucher sans dommage à travers les plus périlleuses descentes. Quand une bataille était imminente, son mari souhaitait toujours combattre à ses côtés. Equipée d’une armure lourde, d’une grande épée, et d’un arc puissant, elle était plus brave et courageuse que n’importe lequel de ses hommes."

Matabei sourit en se demandant si Tomoe ne s’était pas finalement réincarnée sur terre en une personne qu’il connaissait bien, aimait même.

Il reprit la main d’Aspho-chan et l’emmena derrière le temple pour prendre un petit chemin qui cheminait le long de la montagne au bord d’une rivière. Il faisait frais sous les arbres à ce moment de la journée et le son de l’eau qui coule était particulièrement reposant. Une auberge ancienne était accrochée au-dessus du lit de la rivière.

"Mon amour", lui dit-il, "depuis toujours, je rêve de passer une nuit dans un endroit aussi calme et serein que celui qui se trouve au bout de ce chemin. Accepterais-tu de m’y accompagner?"

Combien de temps étaient-ils restés à profiter de la quiétude de cet instant? Longtemps assurément. "Ta langue, le poisson rouge dans le bocal de ta voix" pensa-t-il en souriant.

Matabei avait le coeur heureux quand le chant d'une grive monta tout près d'eux.

Une grive aussi tôt dans la saison, cela lui paraissait un peu curieux. Il observa les alentours avec attention. Le temps s'arrêta. Il n'y avait là que la nature paisible. Une biche était présente pas très loin d'eux. Il y a toujours des biches à Itsukushima, des biches et des singes. Le vent faisait bruisser les feuilles recouvrant à peine le bruit de la rivière.

Aucune trace d'une grive et pourtant il n’avait pas rêvé. Après un long moment, un éclat bleu se détacha brièvement d'un arbre à une soixantaine de shaku sur le chemin qu’ils venaient de prendre. Un peu rassuré par cette vision, Matabei se retourna vers Asphodele. Comme il ne souhaitait pas la gêner en la fixant du regard, il ne tarda pas à détourner la tête pour observer l’eau qui coulait à leurs pieds dans l’attente d'une réponse.

"Au fond de la brume,
Le bruit de l’eau –
je pars à sa rencontre"
Ozaki Hôsai

Kakita Matabei a écrit:

Une grive aussi tôt dans la saison, cela lui paraissait un peu curieux. Il observa les alentours avec attention. Le temps s'arrêta. Il n'y avait là que la nature paisible. Une biche était présente pas très loin d'eux. Il y a toujours des biches à Itsukushima, des biches et des singes. Le vent faisait bruisser les feuilles recouvrant à peine le bruit de la rivière.

Aucune trace d'une grive et pourtant il n’avait pas rêvé. Après un long moment, un éclat bleu se détacha brièvement d'un arbre à une soixantaine de shaku sur le chemin qu’ils venaient de prendre. Un peu rassuré par cette vision, Matabei se retourna vers Asphodele. Comme il ne souhaitait pas la gêner en la fixant du regard, il ne tarda pas à détourner la tête pour observer l’eau qui coulait à leurs pieds dans l’attente d'une réponse.

"Au fond de la brume,
Le bruit de l’eau –
je pars à sa rencontre"
Ozaki Hôsai

Aspho écoutait Matabei. Son regard se perdait vers les arbres. elle vit elle aussi l'éclat bleu prendre son envol. Elle se retourna et répondit: "oui. je te suivrais n'importe où."

Ils reprirent leur chemin pour finalement arriver à l’auberge. L’entrée ne payait vraiment pas de mine. L’animation qui régnait jusque là dans leurs vies s’est effacée d’un coup. N’eût été le bruit de l’eau ou le bruissement des feuilles, on se serait cru figé dans le temps. L’entrée de l’auberge s’ouvrait, discrète, comme attentive à ne pas rompre le charme de la nature omniprésente.

En franchissant le seuil de l’auberge, le temps de marcher le long d’une allée de dalles fraîchement arrosées pour parvenir au vestibule par une courette à ciel ouvert, ni elle ni lui ne pensèrent plus à rien. Ils étaient enveloppés par la douce sensation de se trouver désormais dans un univers vraiment particulier. Un passage de l’ordinaire du quotidien à l’extraordinaire …

L’expression pourra sembler bien convenue, mais il n’empêche, le court chemin qu’ils venaient de parcourir leur fit l’effet d’une voie impériale vers un espace fabuleux fait d’une sereine tranquillité. En levant la tête, ils pouvaient voir le ciel, sentir le souffle capricieux du vent, entendre la rumeur du monde, et malgré cela, aucun doute possible, ils se trouvaient dans l’enceinte du ryokan.

Les quelques secondes qui séparaient le moment où ils se sont déchaussés pour gravir la marche d’entrée, le léger crissement de leurs sandales sur les pierres mouillées, tout cela suffisait pour donner l’impression d’être ailleurs. A l’extrémité de l’allée se tenait dans la pénombre un minuscule jardin d’intérieur dans lequel était dressé un magnifique érable de courte taille. Son feuillage flamboyait dans la lueur des lanternes déposées sur le parquet.

Arrivé à cet endroit, après quelques instants d’immobilité, Matabei se décida à interrompre la contemplation d’Asphodèle pour prononcer ces quelques mots: "Excusez-moi …"

Asphodele suivait Matabei. Elle avait appris à saluer et à respecter les traditions de son futur époux. Elle était toujours impressionnée par le nouvelles personnes qu'elle croisait. Elle se sentait bien et détendue dans ce monde qui lui semblait empli de magie sereine.

Elle remercia dame Yuki pour son accueil et toutes ses attentions. Puis, elle se dirigea vers la baie et admira le paysage, une tasse de thé dans ses mains. Elle l'apporta délicatement à ses lèvres et les humecta de ce délicieux breuvage.

Elle se tourna vers Matabei et lui sourit.

Je souhaite que ce voyage ne se termine jamais. je me sens si bien, si légère.

"Je pense que ton souhait peut être exaucé Aspho-chan. Il n’y a aucune raison que ce voyage se termine puisqu’il ne fait que commencer. Le bouddha ne disait-il pas, dans sa sagesse, que nous sommes le voyage." Il alla s’asseoir à ses côtés pour observer le paysage. La marée était en train de remonter et l’eau commençait à lécher les pieds du torii, qui paraissait pouvoir flotter indifférent à tout ce qui pouvait se passer entre les deux mondes qu'il réunissait.

En tournant la tête pour l'admirer, le soleil couchant dans le dos, Matabei se rendit compte qu’il pouvait également voir le tokonoma qui se trouvait derrière elle, dans le prolongement de son épaule. C’est à cet endroit, dans cette petite alcôve censée donner un sens à cet instant, que se trouvait accroché un rouleau décoré dont le tableau représentait un bel oiseau qui occultait en partie la lune. Cette œuvre, il pouvait la reconnaître d’un seul coup d’œil. Il connaissait d’instinct le style et le jeu des couleurs. Il s’agissait d’une réalisation de Kakita Hirotada, le maître peintre, celui auprès duquel il avait été envoyé quand il avait demandé à rejoindre l’auguste impératrice. La peinture était flanquée du poème suivant écrit de la main même d’Hirotada-sama: "Dans son vol silencieux, ne dit-on pas de la grue qu’elle souhaite seulement atteindre la lune?"

Il comprenait enfin pourquoi on lui avait refusé ce qu’il avait demandé. Après avoir joué un peu avec son ombre, comme quelqu’un qui ne croyait pas à son propre bonheur, il embrassa tendrement celle qu’il aimait.

Elle suivait du regard celui de son tendre amour. Elle tourna la tête et regarda le tokonoma. Elle admirait le monument.

- Qu'est-ce mon amour?

- C’est à cet endroit, dans cette petite alcôve censée donner un sens à cet instant, que se trouvait accroché un rouleau décoré dont le tableau représentait un bel oiseau qui occultait en partie la lune. Cette œuvre. Il s’agissait d’une réalisation de Kakita Hirotada, le maître peintre, celui auprès duquel j'ai été envoyé quand j'ai demandé à rejoindre l’auguste impératrice. La peinture était flanquée du poème suivant écrit de la main même d’Hirotada-sama: "Dans son vol silencieux, ne dit-on pas de la grue qu’elle souhaite seulement atteindre la lune?"

Elle sourit à l'écoute de sa réponse. Que de merveilles elle découvrait. Elle s'avait qu'elle n'était pas au bout de ses surprises.

Elle se laissa embrasser par Matabei.

"Comment souhaitez-vous boire votre saké?" interrogeait madame Yuki.

Ils étaient de retour dans leur chambre, chacun vêtu d’un splendide yukata – cette tenue légère qui pouvait également servir pyjama – et venaient de s’asseoir en tailleur de part et d’autre d’une petite table basse en merisier.

Pour étonnant quelle puisse paraître, la présence d’une vénérable grand-mère faisait partie intégrante du cérémonial du dîner. Personne n’était obligé de boire la coupe qui allait être servie, il suffisait simplement d’indiquer chaud, froid ou tiède pour marquer son impression, exprimer son sentiment. Leur réponse à la question de l’oba-san question allait ouvrir le dîner proprement dit.

Chaque invité avait trois plateaux déposés devant lui selon un rite bien défini. Au centre, avec les baguettes se trouvait le premier plateau avec une série de hors d’œuvre distribués dans des bols en grès ou en bois ou encore sur des soucoupes de fine porcelaine. Il y avait là un délicieux carré de langoustine aux pignes frites, un peu de mochi aux noix de gingko, de la mousse de mukago grillé au sel, des champignons shimeji à l’oursin, un biscuit de riz soufflé à la racine de lotus et des panachés de bulbes de lis et d’ansérine à balais.



Les quantités n’étaient jamais trop importantes. Elles visaient seulement à satisfaire les sens, la vue, l’odorat, le goût. Le consommé, toujours présent sur le premier plateau, était fait d’anguilles et de crevettes panaché de poulet aux champignons et parfumé au persil mitsuba et citron yuzu.

Sur le deuxième plateau, situé légèrement à droite, se trouvait une partie du repas en tant que tel. En sashimi, le cuisinier avait préparé de fines tranches émincées de dorade, quelques coques avec de la gelée d’igname au yuba. Il y avait aussi un plat au vinaigre composé de tofu habuta aux algues, de coquille Saint Jacques, de poireaux, agrémentés d’un peu de radis daikon. Le riz serait servi à volonté.

En vis-à-vis, de l’autre côté, se tenait le troisième plateau, où avait commencé à mijoter une truite ayu oeuvée en rouleau d’algue, qui commençait à cuire dans une sauce au navet et qui serait accompagnée le moment venu d’un peu de gingembre et de poivre sansho. Des légumes confits et des fruits permettraient d’entamer la digestion de plats qui de toute manière s’avèreront incroyablement légers et fins.

Après cette longue description de tous ces plats, de leur ordre, de la manière de les manger, des sauces qui y correspondent, Matabei ne pu s’empêcher de se rappeler en souriant la remarque faite - très discrètement - par un de ses amis cartographes à l’occasion d’un tel repas, "Vous savez Matabei, il paraît qu’à Naples, ils font un truc délicieux qui remplace tout ça. C’est un peu plus gras, mais c’est vraiment moins compliqué question protocole, ils appellent ça la pizza."

Le repas prenait fin. Les plateaux furent débarrassés en un clin d’œil et madame Yuki ouvrit les panneaux coulissants qui donnaient sur l’extérieur pour leur permettre de se faufiler sur l’estrade de bois qui courait le long du jardin. Ils chaussèrent les sandales de bois disposées comme par magie à cet endroit et s’en allèrent se promener. En contrebas, on pouvait distinguer la grande porte qui maintenant flottait sur la marée haute. Une impression de majesté se dégageait des lieux, renforcée par les couleurs chatoyantes de l’automne naissant et la sérénité du ciel dégagé de tout nuage. Assis à proximité de la pagode, ils contemplèrent le spectacle offert par le soleil couchant. Un bref instant, Matabei eut l’impression de voir dans les yeux d’Asphodele le rayon vert, cette lueur d’émeraude qui marque le passage du soleil sous la ligne d’horizon. Il devinait ce que cela signifiait.

"Aspho-chan, nous devrions peut être rentrer dormir un peu. Une longue journée nous attend demain. Je crois que le temps est venu de gravir le mont Misen pour rejoindre le temple qui se trouve au sommet. Tu y es attendue et il nous faudra y être avant que le soleil ne se lève pour être à même d'honorer notre hote."

Elle acquiesça de la tête et c’est bras dessus, bras dessous qu’ils remontèrent vers l’Haruya au rythme de leurs sandales. La suite du Chant du vent avait été préparée pour la nuit. Ils n’avaient plus qu’à rejoindre le futon disposé à leur attention pour se laisser gagner par la douceur de la nuit.

Ils se levèrent au milieu de la nuit. Au moment de traverser le vestibule pour aller se chausser, dame Yuki apparût comme par enchantement. Le secret d’un ryokan tient en cela, cette curieuse capacité de votre hôte d’être à vos côtés en toutes circonstances. Elle tenait entre ses mains deux petits paquets soigneusement emballés dans des mouchoirs de lin. Elle remit l’un à Matabei en s’inclinant profondément et l’autre à Asphodèle en lui murmurant que ce serait pour plus tard. L’un et l’autre refusèrent deux fois de tels présents avant finalement d’accepter avec moult remerciements. Une fois chaussés, dame Yuki accompagna ses invités jusqu’à l’entrée pour leur indiquer le chemin à prendre.

Le chemin n’était guère difficile à suivre. Des lanternes de pierre étaient placées à chaque virage et luttaient vaillamment contre la brume qui tentait de s’installer. A mi-chemin, alors même qu’elle tenait la main courante pour éviter de glisser, Asphodèle nota qu’ils n’étaient pas seuls. En reniflant le petit paquer qu’elle tenait, un museau humide suffit à trahir la présence d’une biche certainement réveillée par la perspective d’obtenir les faveurs de dame Yuki.



Probablement un peu déçu devant la réaction d’Asphodèle, qui se contenta de lui tapoter le museau, mais néanmoins heureux de s’être vu gratter la tête dans la foulée, la biche décida de les accompagner jusqu’au sommet. L’entrée du temple, sa torii, n’était pas aussi magistrale que celle d’Itsukushima. Plus discrète, la simplicité de sa réalisation n’en était pas moins harmonieuse et s’insérait parfaitement dans son cadre, ouvrant sur une allée soignée qui permettait d’accéder au bâtiment principal.

A quelques mètres du temple, la biche s’arrêta à proximité d’une des nombreuses petites statuettes de pierre placées sur le bas côté à proximité de magnifiques érables aux feuilles écarlates. Matabei la remercia et il se tourna vers Asphodèle : "Aspho-chan, ce temple est consacré à Benten, la plus gracieuse des sept Kami. Tu y es attendue et il me semble préférable que tu t’y rendes seule. Je t’attends ici auprès de lui", fit-il en indiquant une drôle de pierre grise dressée à même la mousse. Comme si elle avait tout entendu, la biche se rapprocha d’Asphodèle et de la tête l’incita amicalement à se diriger vers le temple.

Pour accéder à celui-ci, il y avait quelques marches à monter au bout de l’allée. De là, il fallait longer le corps du bâtiment pour passer vers l’avant. De cet endroit, le visiteur ne pouvait qu’être émerveillé par la beauté du spectacle qu’il s’offrait à lui. Du sommet du mont Misen, il était maintenant possible de voir l’aube se lever, les premiers rayons du soleil commençaient à apparaître au loin et à se diriger vers l’empire. La mer intérieure absorbait la journée qui s’annonçait à la vitesse d’un serpent de mer. Asphodèle se trouvait sur le pas de porte à observer la progression de la lumière sur les flancs de l’île jusqu’à ses propres pieds et au-delà quand une voix l’invita à entrer.

Asphodèle n’hésita pas longtemps avant de se présenter sur le seuil du temple.

Le honsha, la salle principale, y était un peu particulière, mais elle n’avait peut être pas assez d’expérience pour s’en rendre compte. Une jeune femme s’y trouvait assise auprès d’un bassin où flottaient des pétales de fleurs. D’une main, elle agitait doucement l’eau du bassin, d’où un délicat parfum se dégageait et venait se mélanger avec celui qui provenait des nombreux pins bonsai placés au pied des boiseries. Ce seul geste suffisait pour donner à l’atmosphère une tonalité unique, chaleureuse et sereine, qui n’était pas sans rappeler leur éden.



Encouragée par cela, Asphodèle se rapprocha. La jeune femme, drapée dans un kimono furisode aux amples manches, se retourna et se leva gracieusement pour aller plus rapidement à sa rencontre.

"Tora-san, soyez la bienvenue en ce temple. Je suis absolument ravie de vous rencontrer. Si vous pouviez savoir tout le bien qui m’a été rapporté sur vous. Frère Bairei, que vous connaissez certainement sous le nom de Jackmor, est intarissable sur vos qualités. C’est incroyable, je ne pensais pas qu’une personne puisse être digne d’un tel éloge de la part du maître de l’eau …"

La jeune femme était maintenant auprès d’Asphodèle. Celle-ci eut l’impression fugace qu’elle avait été tentée de lui donner une accolade avant finalement de se raviser, un peu honteuse d’une telle impolitesse. Au lieu de cela, elle salua Asphodèle en s’inclinant tout en cherchant à ne pas la quitter des yeux pour continuer de l’observer. Visiblement le protocole cédait la place à l’enthousiasme, pensa Asphodèle, maintenant suffisamment habituée aux curieux rites de Matabei et des siens pour en distinguer les subtiles variations.

Comme Asphodèle hésitait sur la conduite à tenir, ne sachant toujours pas à qui elle avait affaire, la jeune femme continua de plus belle: "A dire vrai, ce n’est pas cela le plus impressionnant et là il n’est nul besoin de croire, il suffit de voir. Vous avez réussi à faire quelque chose de vraiment incroya … pardon, de vraiment formidable." Toujours aussi allègre, la jeune femme entraîna Asphodèle à sa suite dans une pièce qui prolongeait le honsha. "Il y a beaucoup plus extraordinaire… Regardez."

Asphodèle avait beau regarder elle ne comprenait pas, du moins pas encore. Devant elle, sur chaque côté de la pièce étaient disposées des cages à oiseaux, des dizaines de cages finement ouvragées alignées en plusieurs rangées le long des murs. Une petite tablette votive représentant Benten était attachée à chaque cage, à l’intérieur de laquelle se trouvait un petit oiseau en porcelaine en équilibre sur une branche, tout à la fois persévérant et fragile.

Asphodèle ne tarda pas à remarquer que la porte de l’une de ces cages était ouverte. Une mésange, représentation vivante de l’un des ces oiseaux en porcelaine, l’observa s’approcher en chantant gaiement. Elle finit par s’envoler pour virevolter autour d’Asphodèle et finir pas se poser sur son épaula, la tête penchée sur le côté en un geste qu'elle connaissait bien.

"Voyez …", continua la jeune femme, "la mésange répond à la question que se pose tous ceux qui ont placé une cage au sein de ce temple : l’oiseau va-t-il chanter ?" La jeune femme reprit son souffle, heureuse comme une enfant, tandis que la mésange s’amusait à reprendre son vol pour changer d’épaule et se remettre à chanter harmonieusement.

Matabei se trouvait à l’extérieur du temple. Il était toujours agenouillé à proximité de la petite statuette de pierre. Ce qu'il était venu faire avec l’aide de dame Yuki se terminait. La statuette disposait désormais d’un nouveau bavoir rouge assorti au petit couvre-chef qu'il avait également changé. Nul ne pouvait savoir si le sourire gravé sur l’énigmatique visage était plus accentué qu’avant. Quelques claques des mains pour prévenir l’esprit de la prière qui lui était adressé et Matabei pouvait de nouveau se consacrer à vaincre ses peurs.

"Notre fille aura bientôt quatre ans", pensa-t-il, "et elle n’aura plus à craindre l'autre monde".

Quatre ans, le deuxième seuil. Après le seuil de la vie, le seuil de la mort. Pendant ses premières années, il est très difficile de protéger l’âme de l’enfant. Les superstitions grues sont innombrables à ce sujet et derrière chaque superstition se cache une vérité. Même si Hanae n’était jamais seule, qu'elle était née les portes ouvertes, même si elle était dévenue l’élue d’un kenku et que ses parents l’aimaient tendrement, que pouvaient toutes ces protections face à un esprit malin, un kansen …

Sur cette pensée, le regard de Matabei fut attiré par quelque chose. Il y avait encore un objet dans la petite boîte remise par dame Yuki. L'objet était soigneusement emballé et Matabei dû consacrer du temps pour voir de quoi il s'agissait. C'était une de ces épingles à cheveux, de celles que portait Beniha pour retenir sa chevelure. Elle était magnifique, translucide, faite de crystal. Il ne pouvait y avoir de présent plus judicieux remercia Matabei en glissant l’épingle dans son obi.

A cet instant, le chant de la mésange, qui résonnait au temple, le rappela à une réalité plus heureuse. "L'oiseau a donc chanté", mais cela il le savait déjà. Asphodèle n'avait plus qu'une seule personne à rencontrer, ou disons plus correctement, il ne lui restait plus qu'à faire la connaissance d'une seule personne.