Le pavillon de thé et son jardin (B3)

A cette question, Beniha indiqua d'un signe de la main à Murasaki que le moment était venu. "A dire vrai, vénéré gardien, c'est ce que nous souhaiterions savoir. Dame Doji m'a confié la mission de vous le demander. Pourriez-nous nous raconter les circonstances qui entourent la disparition de votre fourreau? Notre champion pense que ces événements nous permettraient d'en savoir plus sur certaines personnes que nous devons maintenant retrouver."

Sur ces mots, Murasaki transmit à Beniha un parchemin qu'elle avait pris dans l'une de ses manches. Elle l'ouvrit pour que tous puissent voir le
plan qui était dessus.



"Voyons dans vos courriers vous indiquiez que, dès le mois d'avril, vous aviez rejoint les 700 génois de Giovanni Giustiniani. C'est avec eux que vous allez vous battre et c'est à cette occasion que vous allez faire connaissance avec le dénommé Enguerrand? S'il vous plaît racontez-nous ce qui s'est passé à partir de ce moment."

Matabei posa sa tasse. Elle était douée, pensa-t-il, il y avait longtemps qu'il n'avait plus senti se refermer sur lui les serres des gens de la Cour. "L'histoire risque d'être longue", répondit-il, "je vais refaire chauffer de l'eau".

De retour avec une bouilloire remplie d'eau, Matabei prit le temps d'observer attentivement son interlocutrice pendant qu'il préparait un nouveau thé. Celle-ci évidemment baissait les yeux. Il attendit patiemment, mais elle n'avait aucune intention de croiser son regard. A ses côtés, son yojimbo commençait d'ailleurs à montrer des signes d'inquiétudes pour sa charge. Toutes deux savaient le prix qu'elles payeraient s'il s'offusquait de ces questions. Il était le gardien et il n'avait pas de comptes à leur rendre. Lui demander de répéter ce qu'il avait déjà écrit pouvait être légitimement perçu comme une atteinte à l'honneur et leur carrière respective pouvait être brisée d'un mot. A l'issue de cet examen, Matabei acquit toutefois a conviction que ce n'était pas par défi qu'elles étaient venues ici, mais simplement par obligation. Il servit le thé à chacun de ses invités puis commença:

"C'est effectivement Enguerrand qui m'a mené à Giustiniani, mais je l'avais rencontré avant de rejoindre Constantinople et le corps des génois. Notre première rencontre a eu lieu sur les bords de la Volga, beaucoup plus à l'est. Constantinople était la dernière étape de la route de la soie et comme l'Anatolie était aux mains des turcs, beaucoup de caravanes préféraient faire le détour par le Nord."

Matabei marqua une pause pour profiter de son thé avant de poursuivre.

"Sur les bords de la Volga, Enguerrand était connu comme le loup bleu. Il était unanimement désigné comme le meilleur. A la fois marchand et mercenaire, passeur et recéleur, ses talents paraissaient multiples. Ses contacts ne tarissaient pas d'éloges et ils avaient cette crainte que les bêtes ont pour le prédateur. Quand je l'ai vu, j'ai immédiatement pensé à un Yasuki. Le jour où je lui ai dit, il a craché par terre pour me répondre énervé que lui n'avait jamais trahi les siens quelques soient les circonstances. C'est alors que j'ai compris qu'il pouvait faire partie de votre famille Daidoji-San" fit Matabei en se tournant vers Murasaki dont le physique laissait deviner les fonctions au sein du clan.

Alors même qu'elle sentait le regard de Matabei la dévisager, Beniha se concentrait. C'est une expérience que chacun peut faire: fermer les yeux, tendre les bras et attendre. Cela permet de s'apercevoir à quel point les yeux sont utiles. Ce sont eux qui nous permettent de garder l'équilibre. Sans entrainement, il est difficile de rester immobile et impassible les yeux fermés. Quand elle était petite, ses amies lui demandaient à quoi cela lui servait de rester les yeux fermées sous une cascade. Maintenant elle pourrait leur répondre que cela lui servirait un jour à leur dire que cela pourra toujours servir pensa-t-elle en souriant.

Elle écouta ses paroles et su presque immédiatement qu'il savait quel était le problème. "Un Dai - Doji, l'un des protecteurs des enfants de Doji. Ceux sans qui nous ne serions plus", indiqua-t-elle en acquiesçant du regard vers Murasaki, "Savez-vous ce qu'il pouvait bien faire, seul, aussi loin des terres du clan?"

"C'est difficile à dire. Nous n'avons jamais discuté de son passé et il ne s'est jamais prévalu de son allégeance. Même s'il n'avait pas le tatouage qui caractérise ceux qui ont été formés à Kosaten Shiro, il appliquait les enseignements de ce dojo à la lettre. Sa connaissance du terrain et des hommes était prodigieuse. Il pouvait d'un coup d'œil identifier le meilleur emplacement tactique et reprendre l'avantage. Son équipe lui était entièrement dévouée et ne cessait de pratiquer des exercices qui rappelaient étrangement les principales formations défensives Daidoji."

Matabei marqua une pause, pour s'assurer que ses invités appréciaient le thé, puis il continua:

"Surtout, il était passionné par la technique. La principale raison qui l'a poussé à rejoindre Constantinople tenait moins à l'appât du lucre ou au désir d'aventure, qu'au souhait de percer les mystères du feux grégeois, ce mélange de souffre, de poix et de salpêtre. C'était son obsession. Il voulait connaître les secrets de cette substance, qui brûle dans l'eau, et pour cela il était prêt à braver les feux des enfers. A ce stade, je ne savais pas encore que j'allais être son compagnon d'infortune pendant presque deux mois. Je pensais pouvoir prendre une galère pour Venise ou pour Gênes, sans avoir à subir le siège, mais le piège ottoman s'est refermé sur la ville à peine arrivé et j'ai n'ai eu d'autre choix que de participer à sa défense."

Beniha prenait soin de se remémorer les différents éléments fournis par son interlocuteur: le dénommé Enguerrand se considérait et se comportait toujours comme un bushi; il était prêt à tout pour atteindre ses objectifs qu'il s'agisse de commercer, une tâche ingrate, ou de se faire enfermer dans une ville assiégée. Ces éléments coïncidaient avec les informations qu'elle avait réunies jusqu'à présent. Une chose néanmoins ne collait pas.

"Murasaki-san", demanda Beniha en s'excusant d'interrompre Matabei, "Comment expliquer que cet Enguerrand n'ait pas le tatouage propre à votre famille alors même qu'il semble en avoir fait partie?"

Murasaki réfléchit un moment, puis répondit "La seule explication qui me vienne à l'esprit serait qu'il ait échoué à passer son gempukku. C'est à l'issue de cette cérémonie (qui marque le passage à l'age adulte) que nous adoptons ce tatouage en signe de reconnaissance et de loyauté. A Kosaten Shiro, seuls les étudiants les plus turbulents ou les plus incompétents étaient privés de ce rite. Les premiers parce que vous ne pourriez pas compter sur eux en cas de besoin et les seconds parce qu'ils ne seraient pas à la hauteur de vos exigences."

"Les plus turbulents", pensa Beniha, "cela colle au profil ..." Elle reprit la parole, "Je vous en prie honorable gardien, veuillez pardonner mon interruption. Cela a dû être éprouvant de se retrouver au milieu d'une ville assiégée."

Avant de reprendre, Matabei se rappela ce conseil que lui avait prodigué un jour sa petite soeur "Les courtiers, ils sont toujours très drôles. Ils ne posent jamais de question sans en connaître d'avance la réponse."

Le siège de Constantinople (au soir du 6 avril 1453)
1. Le basilic fait trembler les murs

Tant qu'à faire, pensa Matabei, autant tout exposer à partir du début.

"Il est vrai que je n'ai pas eu beaucoup de temps pour visiter la ville. Franchement, je n'avais rien vu de tel. Même notre capitale ne pouvait être comparée à une telle magnificence. Constantinople était construite m'a-t-on dit sur le modèle de Rome: sept collines, quatorze quartiers, un capitole, un forum, un Sénat, un champ de courses, des magasins, des aqueducs, des citernes, l'eau courante et des égouts. La mise à sac de la ville lors de la quatrième croisade avait malheureusement marqué le début de la fin de cet empire, qui pouvait se prévaloir de la Rome impériale. Après plus de 1000 ans d'existence, ce glorieux empire n'était plus que l'ombre de son passé. De l'empire de Constantin, il ne restait plus à Byzance que sa capitale, Trébizonde, Mistra et quelques îles de la mer Egée.

Enguerrand avait une vingtaine d'hommes à sa disposition, un ensemble disparate de mercenaires aguerris à la protection des caravanes en provenance des terres du Nord, des iles méditerranéennes ou des steppes. Il était venu rejoindre les 700 génois du condottiere Giovanni Giustiniani Longo, qui voulait éprouver le frisson du siège. Le pape avait en vain prié Frédéric III d'aider la ville menacée, mais le Saint empire n'envoya finalement qu'un légat et quelques centaines d'hommes d'armes. L'Angleterre et la France n'avaient pas jugé utile de venir en renfort, épuisées qu'elles étaient par la guerre de cent ans. Peu après le début du siège, un envoyé du pape força témérairement le blocus pour porter secours à la ville avec un contingent débarqué de trois galères et quelques navires de provisions. L'Europe avait laissé tomber Constantinople. Il n'y aurait en tout et pour tout que 2000 étrangers, dont votre serviteur, et 5000 grecs pour défendre les vingt-deux kilomètres de murs face aux cent vingt mille ottomans du sultan.

Le siège allait durer 53 jours jusqu'à l'assaut final. Nous étions situés sur la muraille de Théodose à l'ouest de la ville. Notre objectif était d'assurer la protection de la 5ème porte, laquelle était placée au nord de la rivière Lykus. Je n'ai pas combattu sur le Mur, à votre différence peut-être Murasaki-san, mais un tel ouvrage me paraissait digne des meilleurs ingénieurs Kaiu. Sur plus d'une lieue de la Corne d'or à la mer de Marmara, se tenait un mur intérieur construit en pierres et en briques, d'une épaisseur de 15 pieds et d'une hauteur de près de 40 pieds renforcé de près d'une centaine de tours. ce mur était doublé d'un mur extérieur de 6 pieds d'épaisseur pour 24 pieds de haut, d'où les archers pouvaient harceler les troupes d'assaut. Un fossé de 30 pieds de profondeur sur 60 mètres de large prolongeait le dispositif.

A notre sud, se trouvait la porte de Saint Romanus, qui permettait d'entrer dans la ville en temps normal. Il s'agissait du site le plus vulnérable et pour cela le sultan avait placé sa tente et le plus gros de ses troupes à proximité. C'est sur cette porte que le basileus avait établi son poste de commandement avec les meilleures troupes grecques. Très vite, cette porte fut rebaptisée Topkapı - la porte du canon - parce que c'était en face que les forces du sultan avaient positionné la plus terrifiante de leurs armes de siège, le basilic. Ce canon avait été fondu par un ingénieur venu d'occident à la solde du sultan et transporté sur plus de 37 lieues par un convoi d'une soixantaine de boeufs. Il s'agissait du plus gros canon construit à ce jour. Ses boulets de plus de 1000 livres pouvaient franchir plus de 4000 pieds. Toutes les trois heures, le tonnerre résonnait et nous avions rapidement appris à nous en méfier.

Au soir du 6 avril, une section du mur à proximité de notre position avait été pulvérisée. Les troupes ottomanes tentèrent à plusieurs reprises de forcer la brêche et d'entrer dans la ville, mais chaque fois elles furent repoussées. Au matin, le mur avait été reconstruit par les habitants de la ville."

En règle générale, Beniha était peu intéressée par les faits d'arme. Comme tous les membres de sa famille, elle était résolument pacifiste et refusait ne saurait-ce que de porter une dague. Elle se doutait, néanmoins, que le monde extérieur n'était pas aussi tranquille que Shinden Asahina et ses dizaines de temples dédiés à la méditation et à la connaissance.

L'histoire que racontait Matabei l'intéressait pour une autre raison. Elle illustrait ce qu'elle appelait les conflits de civilisation: cette ville avait résisté aux Goths, aux Perses, aux Avars, aux Slaves, aux Vikings. Elle avait été mise à genou par l'occident et tomberait sous les coups de l'orient. "Qu'adviendrait-il d'un monde qui n'a plus d'interface? Comment les occidentaux allaient-ils faire pour obtenir les richesses de l'extrême orient si la route de la soie est coupée?" se demandait-elle.

"Et pendant ce temps-là, vénéré gardien, que faisiez-vous?", dit-elle le visage impassible pour réprimer le début d'un sourire qu'elle savait enjoleur.

Matabei poursuivit comme si de rien n'était. Il indiqua sur la carte l'endroit où eut lieu la première brêche (voir la carte en lien plus haut à l'endroit marqué Giustiniani) et continua:

"Pour ma part, je participais aux efforts des défenseurs pour repousser les assaillants. Enguerrand m'avait attribué deux de ses hommes comme gardes du corps. Vous savez que j'ai besoin d'un peu d'espace pour pratiquer mon art et leur mission était de veiller à ce qu'aucun défenseur ne puisse être blessé par mégarde en rentrant dans ma zone d'action. A ce moment, les assaillants n'étaient que des bachi-bouzouks, peu entraînés et faiblement armés. Les repousser n'était pas très difficile.

A l'issue de ce premier combat, j'ai retrouvé Enguerrand dans l'une des tours de la 5ème porte, qui nous servait de refuge. La nuit venait de tomber et les femmes et les enfants en âge de travailler avaient commencé à reconstruire le mur qui s'était effondré dans la journée. Il paraissait préoccupé et m'indiqua que la bataille à venir risquait d'être déséquilibrée à cause de ce maudit canon. Il consacra également un peu de temps à me donner quelques conseils pour tenir le siège, comme le fait de toujours être en ou près de son armure et de dormir dès que possible. Ces conseils devaient s'avérer très utiles par la suite.

C'était décidément un drôle de personnage. En effet, au cours de cette même nuit, j'étais en train de réaliser le tour de garde qu'il m'avait confié quand je vis une ombre apparaître au sommet du rempart. J'eus à peine le temps de me mettre en garde que l'ombre me montrait son visage. C'était lui, Enguerrand, déguisé en bachi-bouzouk. Il s'en était allé tranquillement visiter le camp turc. Pour prendre ses marques me dit-il. Apparemment, ces marques avaient été suffisantes pour faire taire le basilic pendant une dizaine de jours."

"Impressionnant ", releva Beniha, "Voilà une bonne illustration des tactiques Daidoji. Si vous ne pouvez les battre, il faut les harceler jusqu'à ce qu'ils abandonnent ou que nous autres courtiers réussissions à négocier la paix ou à faire venir nos alliés".

Beniha s'arrêta un instant pour sortir son éventail et s'aérer un peu pendait qu'elle réfléchissait. L'inflexion de son sourcil lui donnait un petit air fragile, qui ne pouvait qu'émouvoir l'assemblée.

"Cela me rappelle une pièce de marionnettes. Vous savez les sept ronin, ceux qui viennent défendre un village contre une horde de brigands. C'est le passage où le plus vieux des ronin s'en va dans la forêt pour récupérer les batons qui crachent le feu afin de permettre à tous les combattants de mourir honorablement."

A l'évocation du nom des "sept ronin", Matabei se remémora avec plaisir cette excellente pièce de marionnettes. On peut reprocher beaucoup de choses aux Scorpions, mais il faut bien avouer qu'ils font d'excellentes pièces. Shosuro Kurosawa était vraiment un grand maître à cet égard.

"Les sept ronin", reprit Matabei le sourire aux lèvres, "Si vous assimilez Enguerrand au plus expérimenté des ronin, je me demande vraiment à qui vous êtes en train de me comparer ma chère?"

"Oh, ce n'est pas très difficile à trouver", répondit Beniha en souriant également,"Vous avez survécu alors il n'y a que trois possibilités. Vous êtes trop jeune pour être le ronin à la moustache et trop sage ou bien élevé pour être le drôle de mal-propre. Il ne reste plus que le jeune homme, à moins bien sûr que vous estimiez ne pas être aussi sensible..."

A ces mots, elle couvrit sa bouche de son éventail pour qu'il ne puisse voir le gloussement que trahissait pourtant le plissement de ses yeux.

Le siège de Constantinople (dans la nuit du 16 mai 1453)
2. Les Grecs découvrent la première mine turque

Ce qu'il y avait d'intéressant avec les courtiers, c'était qu'il pouvait s'amuser de tout. La vie pour eux n'était qu'un jeu, une suite de bons mots, un ensemble savamment préparé de gestes et de mimiques. Il ne fallait surtout pas qu'ils s'ennuient... Au moins, Matabei voyait l'intérêt dans l'oeil de Murasaki. Il devinait qu'elle fouillait maintenant sa mémoire pour essayer de se souvenir de ce qu'il pouvait bien arriver à tous ceux qui un beau jour ne se présentaient plus au rassemblement du matin. Qu'importe après cet interlude, Matabei reprit le fil de son histoire.

"Les jours passaient et se ressemblaient. Les turcs attaquaient les remparts, ils arrivaient parfois à s'y hisser et nous les repoussions, pour laisser ensuite les habitants de la ville réparer les dégâts. Faute de pouvoir passer par dessus les remparts, les turcs avaient imaginé un autre moyen de vaincre. Dans la nuit du 16, au sud du mur de Théodose, une femme qui se rendait à un puits entendit des coups sourds et répétés. Au début, elle n'y prêta pas attention, mais le bruit ne cessa pas. Il était monotone et cadencé. Il semblait provenir de l'intérieur de la terre, en delà des remparts, dans la ville. Il fallait se rendre à l'évidence, les turcs avaient creusé une galerie et avaient réussi à passer sous la muraille.

L'alerte fut immédiatement donnée et tout ce que Constantinople comptait de mineurs fut rassemblé en catastrophe. Le travail de contre-sappe commença dans l'instant. Comme nous étions disponibles, Enguerrand se porta volontaire pour livrer l'assaut une fois la galerie turque atteinte. Il me demanda de l'accompagner, car il savait que je me sers de tous mes sens pour combattre. Ce fut l'expérience la plus terrifiante de ma vie.

Nous pénétrâmes dans la galerie à hauteur de l'église de Saint Jean. Pendant qu'une partie de ses hommes exécutait les mineurs et les porteurs, notre mission était de remonter la galerie au-delà des murs. Je n'étais muni que d'une pique et pour finir de mon wakizashi. C'était une boucherie. Ici encore, les turcs étaient trop désorganisés pour nous menacer et avançaient sur nous sans réfléchir, mais cela ne pouvait indéfiniment durer. De l'infanterie lourde nous aurait mis en pièces. Quand nous ne pûmes tenir après avoir bien avancés, Enguerrand fit signe à plusieurs de ses hommes de nous remplacer. C'est là que j'ai vu pour la première fois les effets du feu grégeois et je ne suis pas prêt de les oublier. Ces hommes étaient armés d'un long tube de fer avec lequel il pulvérisait une substance qui prenait feu et brûlait tout sur son passage. L'agonie des mourants fit immédiatement place aux hurlements de l'ennemi. La voute ne tarda heureusement pas à s'effondrer sur les assaillants pour mettre fin à leurs souffrances. D'autres mines furent découvertes et éliminées de la même manière dans les jours qui suivirent."

Matabei s'arrêta un instant avant de reprendre: "Il se fait tard, permettez-moi de vous préparer le dîner avant que nous ne continuions cette discussion. Ces souvenirs ne sont pas très agréables et j'ai besoin de me changer les idées."

Beniha savait quand il fallait s'arrêter de taquiner. Elle prit le temps de prier un moment pour que la vie future de ces pauves hères ne soit pas aussi pénible que celle qu'ils venaient d'avoir puis ajouta: "Ce serait avec grand plaisir. Il y a si longtemps que nous n'avons pas été reçus chez l'un des notres. Mille mercis de nous accueillir ainsi."

"Croyez bien que ce plaisir est partagé. Cela fait des mois que je n'ai pas eu l'occasion de manger kaiseki, alors je ne vais pas manquer une telle occasion", fit-il en riant, "Cela risque de prendre un peu de temps, je vous en prie faites comme chez vous".

Le siège de Constantinople (au matin du 19 mai 1453)
3. Les Turcs utilisent une tour d'assaut pour prendre les murs

Matabei revint de la cuisine avec trois plateaux sur lesquels étaient déposés plusieurs bols et coupelles chamarrées. Il y avait du Chawan mushi, une sorte de flan salé, du Hiyayakko, une variation sur le tofu, du Hourenso, une salade d'épinards ainsi qu'une soupe aux champignons et quelques filets de poissons crus. Des petits plats rapides à préparer. Autant de souvenirs d'un pays désormais lointain, mais la cuisine est le plus facile des voyages disait son maître à très juste titre. Matabei attendit un peu que tous soient rassasiés puis continua son histoire.

"Il y eut d'autres tentatives de prendre la ville avant le jour fatidique. Tous plus originales les unes que les autres. Par exemple, le matin du 19 mai, les guetteurs situés à la porte Saint André eurent la surprise de découvrir que les ingénieurs turcs avaient profité de la nuit pour construire un tour de bois et la placer contre le rempart extérieur. Elle avait été construite en quatre heures! De sa plateforme supérieure ne tarda pas à se déverser des hordes de fantassins puissamment armés et défendus par d'excellents archers La première ligne de défense fut rapidement débordée et les génois de Giustiniani et ses hommes durent lancer une contre attaque pour reprendre le mur. Nous en fîmes partie."

Matabei reprit son souffle. "C'est à ce moment qu'Enguerrand me sauva la vie pour la première fois. Il insista pour diviser sa troupe en trois groupes, le premier devait frapper à la hache ou à l'épée pour reprendre le chemin de ronde, le deuxième devait protéger ceux qui frappaient et le troisième éliminer à l'arbalète ceux qui essayait de s'en prendre aux deux autres. Quand il arriva à ma hauteur, Engerrand confia ma protection à deux de ses meilleur hommes. Je lui ai dit que c'était nullement nécessaire et qu'il était peu probable que le moindre assaillant risque de me déborder sur les 3 mètres de large du chemin de ronde. Il me sourit en me disant que je comprendrai plus tard. Au vu du nombre de flèches fichés dans les deux boucliers de mes gardes du corps une fois nos assauts menés, il faut bien avouer qu'il avait vu juste. La tour de bois ne tarda pas à brûler et la ville réussit encore à résister."

Le siège de Constantinople (lundi 28 mai 1453)
4. Dernière veillée d'armes

La fin approchait. Le 22 mai, il y avait eu une éclipse de lune. Quelques jours plus tard, l'une des plus saintes icônes de la ville, portée dans les rues pour un dernier appel, glissa de sa litière. Le lendemain matin, la ville était recouverte d'un épais brouillard, ce qu'on n'avait jamais vu à cette époque de l'année; la même nuit, le dôme de Sainte Sophie s'illumina d'une lueur rouge surnaturelle qui monta lentement de la base vers le sommet avant de disparaître. Ce dernier phénomène fut également observé par les turcs de l'autre côté de la corne d'or. Le sultan en fut profondément troublé et ne fut rassuré que quand ses astrologues eurent interprétés le phénomène comme le signe que la Vraie Foi ne tarderait pas à illuminer le bâtiment. Pour les Byzantins, la signification était claire, l'esprit de Dieu avait déserté la ville.

Le 26 mai, le sultan réunit son conseil. Le siège déclara-t-il avait trop duré; l'heure était venue de lancer l'assaut final. Le lendemain serait consacré aux préparatifs, le suivant au repos et à la prière. L'attaque serait lancée aux premières heures du 29 mai. Les turcs ne prirent aucune précaution pour cacher leur projet et nous savions que le moment de vérité était venu. Je me souviens encore de notre dernière journée, c'était le dernier lundi de l'histoire de l'empire byzantin. Le travail sur les remparts avait continué comme avant, mais ailleurs le peuple de Constantinople s'était rassemblé pour une dernière intercession collective. Tandis que sonnaient les cloches, la procession passait par les rues le long des murs. Partout, on emportait les icônes et les reliques les plus sacrées et tentait de barricader ce qui pouvait l'être.

Quand ce fut fini, le basileus réunit une dernière fois ses sujets et ses hommes d'armes. Enguerrand et ses hommes avaient été invités à cette cérémonie. Le basileus s'adressa d'abord à ses sujets grecs, leur disant qu'il y avait quatre grandes causes pour lesquelles un homme devait être prêt à mourir: sa foi, son pays, sa famille et son souverain. Ils devaient maintenant se préparer à donner leur vie pour toutes les quatre. Se tournant ensuite vers les Italiens et les autres étrangers, le basileus nous remercia pour tout ce que nous avions fait et nous assurait de sa confiance.

Pour terminer, celui qui allait être le dernier empereur passa ses troupes en revue. Arrivé devant nous, il prit le temps de féliciter les hommes d'Enguerrand qui s'étaient fait connaître pour leur férocité au combat. Enguerrand les appelaient ses "Harriers", sa meute de chasse. "Ils sont presque aussi bons que les vrais, moins discrets certes, mais presque aussi bons", m'avait-il dit en souriant.

Le basileus nous indiqua que nous pouvions partir si nous le souhaitions. Cela ne servait à rien de périr pour des valeurs qui n'étaient pas les nôtres. Enguerrand me regarda longuement avant de répondre puis finalement se décida à jurer que nous combattrons à ses côtés jusqu'à la fin. Celui-ci ne comprit pas tout de suite la portée de cet engagement. Pour lui, nous n'étions sans doute que des mercenaires venus d'au-delà du désert. Il poursuivit en nous demandant pourquoi nous ferions cela. Cette fois, ce fut à mon tour de répondre "Parce que, basileus, notre famille suit votre exemple. Il n'y a pas de vie pour les lâches. Seule la mort attend les héros..."

"Quel qu'en soit le prix", entendis-je distinctement Enguerrand murmurer à ma suite.

Sur ces mots, Beniha ouvrit son éventail pour réfléchir un instant. Ce geste avait interrompu Matabei qui attendait qu'elle retrouve le fil de ses pensées. Elle s'en rendit compte et prit la parole.

"Vénéré gardien. Si je reconnais aisément la devise de votre famille, je dois avouer que la remarque d'Enguerrand me trouble un peu. 'Quel qu'en soit le prix'. Qu'est ce que cela peut bien signifier? Qu'en pensez-vous Murasaki-san?"

Son yojimbo hésita un peu avant de répondre. Elle ne souhaitait visiblement pas s'immiscer dans la conversation. Un peu génée, elle commença

"En fait. Il ne s'agit pas vraiment d'une devise, mais d'un adage. Une phrase que nous gardons généralement pour nous. Avant d'agir, nous avons coutume de prononcer cette phrase pour nous donner du courage. 'Quel qu'en soit le prix'. Il s'agit de notre mission, nous sommes tous prêts à faire ce qui est nécessaire pour le clan ..."

Beniha n'hésita pas à l'interrompre.

"Oui, je comprends. Mais alors, quel est le prix. Qu'êtes-vous prêts à sacrifier pour le clan?"

Murasaki se devait de dire ce qu'elle pensait:

"Pour ma part, j'ai combattu sur le mur et dans les troupes régulières. Je n'ai toujours eu que ma vie à sacrifier. Pour d'autres, un autre choix se pose. Ils doivent se demander s'ils n'ont pas à sacrifier leur honneur. Leur honneur pour le clan. Ce sont ce que nous appelons les 'désavoués'. Nul ne sait vraiment ce qu'ils deviennent. Ils ne reviennent jamais."

"Alors," reprit Beniha, "Enguerrand pourrait être l'un de ces désavoués, l'un de ces Harriers comme il les appelle. Cela expliquerait beaucoup de choses." :scratch:

"Les Harriers", poursuivit Beniha comme si elle ne s'était pas rendue compte de la tension qui venait d'envahir la pièce, "Je ne vois pas à quoi ce nom peut faire référence. Nous ferions mieux de l'oublier. C'est du moins, je suis sûre le conseil que nous prodiguerait Dame Doji. Nous devons simplement nous assurer qu'il en soit ainsi pour tout le monde."

"Il est des peines de mort qui ont été prononcées de manière moins agréable", pensa Matabei.

"Certainement, ma dame", indiqua-t-il en hochant délicatement la tête. Il proposa une nouvelle tasse de thé, puis il prit la carte qui se trouvait devant Beniha pour mieux se rappeler ce qui s'était passé le 29 mai 1453.

Le siège de Constantinople (mardi 29 mai 1453)
5 (et fin). L'assaut final

"A une heure et demie du matin, le sultan donna le signal. Soudain, les trompettes, les tambours et les cris de guerre effrayants des Turcs fracassèrent le silence dans une clameur qui aurait réveillé les morts. Les cloches des églises sonnèrent, signe pour toute la ville que la bataille finale avait commencé.

Le sultan savait que s'il voulait prendre la ville, il ne devait laisser aucun répit aux défenseurs. Il commença par envoyer ses bachi-bouzouks; mal armés et peu entraînés, ils ne pouvaient tenir longtemps, mais leur attaque initiale fut terrifiante. Pendant deux heures, ils se jetèrent contre les murs, puis, peu avant 4 heures du matin, arriva la seconde vague d'attaquants, plusieurs régiments de Turcs d'Anatolie, tous superbement entraînés et disciplinés. Ils étaient près d'entrer, quand les défenseurs conduits par le basileus en personne, les encerclèrent, en tuèrent autant qu'ils purent et repoussèrent les autres au-delà du fossé extérieur. Le sultan laissa exploser l'une de ses rages habituelles; en fait il n'était pas vraiment furieux. La victoire ne devait pas être remportée par les Anatoliens, mais par son propre régiment d'élite, les janissaires et ce sont eux qu'il lança alors dans la bataille.

Les chrétiens n'eurent pas le temps de se ressaisir avant le début de la troisième attaque. Sur un rythme régulier, sans remords, qui frappait de terreur les cœurs de tous ceux qui l'entendaient, les troupes d'élite de l'empire ottoman avançaient dans la plaine à grande vitesse, leurs rangs intacts malgré la pluie de projectiles lancés depuis les murs; la musique militaire assourdissante les gardait au même pas et constituait presque une arme en elle-même. En vagues successives ils arrivaient, se jetant contre les fortifications, brisant les contreforts, posant des échelles d'assaut avant de laisser place à la vague suivante pour se reposer jusqu'à ce que leur tour revienne. Pour les défenseurs, toutefois, il n'y avait pas de relève. Le combat durait depuis plus de cinq heures, et il ne pourrait se prolonger guère plus. Ma lame était rouge de sang à force de frapper.


[dessin par le très talentueux Drew Baker]

Puis ce fut le désastre, peu après l'aube un carreau d'arbalète frappa Giovanni, perça son armure et traversa sa poitrine. Souffrant le martyre, ses hommes décidèrent de l'évacuer vers le port pour se réfugier à Galata. Le départ des Génois mis à mal les défenses. Là, où nous étions 300 à 400 combattants, nous ne furent plus qu'une cinquantaine. Voyant cela, le sultan lança immédiatement une autre vague de janissaires. Les Grecs ne tardèrent pas à se replier vers le mur intérieur, mais Enguerrand nous fit signe de rester près du bastion de la 5ème porte pour couvrir leur retraite. Il distribua à ses hommes de drôles de récipients, fabriqués en terre cuite, avec une longue mèche qui en sortait. Des grenades disait-il. Une fois allumées et lancées sur les turcs qui pénétraient sur le terre-plein entre les deux murailles, ces projectiles firent un massacre et empêchèrent toute percée.

C'est alors qu'on vit un drapeau turc flotter sur une tour à peu de distance. Une heure plus tôt, un groupe d'irréguliers turcs en patrouille avait trouvé une petite poterne à demi dissimulée au pied d'une tour. C'était en fait une issue appelée Kerkoporta, par laquelle les génois avaient organisé plusieurs raids dans le camp turc. Les bachi-bouzouks avaient réussi à l'ouvrir et ils étaient montés au sommet de la tour planter leurs couleurs. Ce sont probablement eux, et non les janissaires, qui furent les premiers à entrer dans la ville.

La lune éclairait le petit matin, haute dans le ciel. Les remparts étaient jonchés de corps morts ou mourants. Maintenant, tous les régiments s'insinuaient par les brèches ouvertes dans les murs. Nous étions en train de remonter vers le palais impérial quand nous le vîmes. Il venait de se dépouiller de ses insignes impériaux. Accompagné de Sphrantzès, son général, il s'apprêtait à se jeter au plus fort de la bataille. Je décidais de l'accompagner, mais Enguerrand préféra rester en arrière. A partir de ce moment, je ne me souviens plus très bien de ce qui s'est passé. Nous avons combattu les troupes ottomanes devant les portes du Blachernes. Ses derniers fidèles se battaient avec l'énergie de ceux qui n'ont plus rien à perdre. A un moment, j'ai cru le voir succomber sous les coups de cimeterres puis plus rien... C'est à cet instant que je fus mis hors de combat par un violent choc à la tête. Quelqu'un ou quelque chose venait de m'assommer, ce qui était d'autant plus incompréhensible que je prends toujours soin d'assurer mes arrières …"

"Mais ...", pour un peu Beniha manqua de trahir ses émotions. Elle claqua son éventail et son esprit logique reprit le dessus. Tout était si simple, il avait juré de combattre jusqu'à la fin. La fin venue, il faisait ce qu'il avait à faire et exfiltrait celui qu'il devait protéger. Un vrai Daidoji. Le fait que Matabei soit vivant suffisait à montrer ses compétences. Il l'avait sans doute racheter au titre du butin. Elle savait que les vénitiens et certains génois n'avaient pas hésité à piller les icones ou les manuscrits de la ville en se repliant vers le port. D'autres vautours accompagnaient également les troupes du sultan pour négocier tout ce qui pouvait l'être. Paix à leur âme. Elle comprenait mieux maintenant la réaction des siens à Shiro no Yojin durant ce qui avait été appelé la nuit des étoiles tombantes. Plutôt que de se rendre, tous les habitants de la ville s'étaient jetés du haut des remparts.

Pour autant, en dépit de ce succès, le récit de Matabei n'avait fait que confirmer les craintes de leur daimyo. Certains Daidoji avaient percé le secret des explosifs et n'hésitaient pas à les utiliser pour prendre l'avantage... Il s'agissait d'un intolérable crime contre l'Empire et d'une honte pour le clan. Les Harriers devaient sortir de l'ombre ou périr. Les instructions en ce sens étaient claires. Matabei l'ignorait certainement, mais Doji Domotai-sama avait perçé le mystère de Shiro Giji et elle avait décidé d'éradiquer tous ceux qui déshonoraient son nom avec de telles actions. Pour cela, ses envoyés étaient prêts à traverser les océans, les déserts et les montagnes ...

Elle releva les yeux et son regard croisa celui de Matabei. Celui-ci savait déjà ce qu'il avait à faire.

"Où est-il maintenant?" demanda Matabei

"D'après mes informations, toujours en Lorraine", répondit Beniha sans hésiter, "mais, je pense pouvoir le faire venir à Reims ou à Compiègne à l'occasion des foires d'été".

"Dame Doji me donne-t-elle l'autorisation de lancer un duel?" interrogea-t-il pour régler les derniers détails.

Beniha mesura la portée de ses paroles. Elle n'aimait pas transmettre ce type d'ordres, mais c'était son devoir de le faire et ce qu'elle pensait n'avait aucune importance: "Oui, Doji Domotai-sama vous autorise à lancer ce duel. Au premier sang, s'il accepte de rentrer. Pour l'honneur du clan, s'il refuse".

"Je suis désolé, vénéré gardien", fit-elle en s'inclinant profondément tout comme Murasaki à ses côtés, "mon yojimbo -- en dépit de ses qualités -- ne peut prétendre affronter un tel homme. Vous êtes le seul à même de nous aider et puis ..." précisa-t-elle pour éliminer le moindre doute "comme il s'agit de faire respecter un édit impérial cette mission coïncide tout à fait avec vos glorieuses fonctions".

Un éclair métallique parcourut le regard du jeune Kenshinzen. De telles autorisations étaient rares. Elles n'étaient données que pour régler les situations les plus graves, là où la diplomatie avait échoué. Il ne faillirait pas.

"Très bien. Dites-lui que je le retrouverai à Reims ou à Compiègne d'ici à la nouvelle lune, au lieu qu'il lui plaira. Je dois encore tester mes lames, mais je serai prêt dans quelques jours."

"Je prends contact avec mes informateurs dès ce soir. J'espère sincèrement qu'il saura faire le bon choix. Si vous le souhaitez, je suis à votre disposition pour vous fournir toutes les informations dont je dispose.

En attendant, je souhaiterai vous montrer quelque chose. Si vous me permettez," elle prit la théière qui toussotait sur le feu et après avoir reçu l'assentiment de Matabei qui se demandait bien pourquoi elle s'apprêtait à servir un thé qui avait déjà infusé elle se versa une tasse.

Etonné devant une telle impolitesse, Matabei attendit la suite. Elle sourit pour lui faire comprendre qu'elle savait ce qu'elle faisait et ouvrit un des netsuke qu'elle portait au bout d'une cordelette qui pendait de son obi. Elle en sortit une petite boule blanche qu'elle déposa dans la tasse.

Après un moment, elle saisit un fil qui s'était détâché de la petite boule. Elle le tira et sans un effort la boule commença à se dévider... "Savez-vous ce que c'est?", fit-elle en montrant le fil qui maintenant faisant plus de deux mètres.